Lettre à Valérie Plante au sujet du Parc Canin
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- Publication : 15 octobre 2019
Un texte d’opinion de L’ACPO
Madame la mairesse,
Votre administration a récemment pris un certain nombre de décisions qui témoignent de votre intention de relever les défis auxquels l’urgence climatique confronte nos sociétés. Nous vous en félicitons. Vous vous situez dans la droite ligne d’une préoccupation largement partagée par la population, comme en témoignent les récentes manifestations qui ont réuni partout dans la Province des foules nombreuses, avec une participation d’environ un demi-million de personnes à Montréal, du jamais vu au soutien d’une cause. Votre récente communication montre que vous semblez en phase avec cette préoccupation populaire pour infléchir l’action publique en la faisant passer de ce que nous appellerions, pour faire court, d’un urbanisme minéral à un urbanisme végétal, vert. Il faut en effet aller vers plus de végétalisation des villes.
Dans votre déclaration, faite le 23 septembre dernier à l’ONU à l’occasion du Sommet Action Climat, vous vous êtes donné le mandat de réduire, à Montréal, les gaz à effet de serre (GES) de 55% d’ici 2030 (Le Devoir, 23 septembre 2019). C’est une orientation ambitieuse bien que réaliste, comme le signale madame Corriveau dans l’édition du Devoir du 3 octobre dernier.
Les récentes semaines ont montré que vous vous engagez sur cette voie avec sérieux. À titre d’exemples, mentionnons votre intention de transformer le secteur de Namur- Hippodrome en un quartier carboneutre et vert, qui sera selon vos dires «un anti- Royalmount» (La Presse, octobre 2019). Ce dernier projet est en effet un modèle à ne pas suivre. Il charrie un esprit «promoteur» de la «génération Centre d’achats» des années soixante. Nous parlons de l’autre siècle…
De plus, la création d’un grand parc urbain de 3000 hectares dans l’Ouest de l’Île va également dans le sens des moyens favorables à l’atteinte de votre objectif de réduction des GES. Il s’agit là d’un espace conséquent, approprié à la recréation d’une véritable diversité végétale (coexistence d’essences arboricoles diverses reproduisant la forêt naturelle, maintien et protection des milieux humides, etc.) et à l’accueil de la faune urbaine et péri-urbaine.
Par ailleurs, dans le même temps où vous prenez des décisions responsables pour préparer la Ville dont vous avez la charge politique aux bouleversements urbains entraînés par l’action industrielle des sociétés humaines, on ne peut que s’étonner du projet que votre administration a de supprimer le Parc Canin d’Outremont, le Parc Mali. Il s’agit d’un espace vert de 8000 mètres carrés où les chiens peuvent jouer et courir en liberté. Ce parc est en outre le seul à vocation canine d’Outremont. Il est largement boisé : il possède 80 arbres à maturité, d’épaisses haies d’arbustes qui le protègent de la circulation et dans lesquelles trouvent refuge de nombreuses espèces d’oiseaux, de grands espaces gazonnés, une piste de deux cent mètres où marchent les propriétaires des chiens, produisant une occasion de socialisation citoyenne, chose peu fréquente dans les villes d’aujourd’hui. On peut s’étonner qu’au moment où vous annoncez un parc majeur dans l’Ouest de l’Île en mettant de l’avant la valeur des espaces boisés pour contrer l’augmentation des GES et la hausse des températures urbaines, vous fassiez preuve de si peu de congruence en planifiant de supprimer un parc d’arrondissement dont les avantages sont multiples et reconnus par tous ceux qui le fréquentent (nous tenons à votre disposition une pétition de plus de mille cinq cents noms).
Vos conseillers urbanistes et ingénieurs, et autres spécialistes du transport urbain, vous font valoir, pour justifier la suppression de ce parc, le caractère vital de la prolongation de la voie Thérèse Lavoie-Roux, créée avec le Campus MIL, afin d’améliorer la sécurité des piétons et cyclistes dans le secteur. À ce sujet, je vous renvoie à ce que dit Richard Bergeron de cet argument à l’occasion de l’entrevue qu’il a accordé le 24 septembre dernier à madame Annie Desrochers à son émission Le 15-18 à la radio de Radio- Canada. Il y qualifie l’aménagement prévoyant la disparition du Parc Canin, de «sous Gérald-Tremblay» et vous enjoint, à vous et votre maire d’arrondissement monsieur Tomlinson, «de ne surtout pas toucher au parc Canin».
Nous en appelons à la sagesse et à la responsabilité de votre administration pour que soient appliqués avec cohérence au Parc Canin Mali les mêmes principes de décision que ceux que l’on retrouve derrière les récentes initiatives que vous avez prises en matière d’espaces verts, de réduction des GES et des ilots de chaleur. On ne peut à la fois vouloir une ville plus verte et en même temps priver les habitants d’Outremont et leurs amis quadrupèdes de cet espace de vie avantageusement arboré et fréquenté. Sachez, madame la mairesse, que si une ville est administrée, selon les règles démocratiques en vigueur, par celles et ceux auxquel(le)s la tâche a été confiée, retenez qu’elle appartient à ses citoyens qui sont en dernier recours les plus à même de décider de leurs intérêts. Et nous avons la prétention d’affirmer qu’à cet égard le consentement populaire à la conservation de ce parc est large.
En vous assurant, madame la mairesse, de notre haute considération.
Les membres du Conseil d’administration de l’APCO :
Aurélie Cosandey-Godin, Geneviève de Grandpré, Sophie Danis
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