Toutes les administrations rêvent de pouvoir compter sur l’engagement et le savoir-faire d’un citoyen comme Jacques Grégoire. C’est Outremont, puis la Communauté urbaine de Montréal (CUM) qui ont gagné à la loterie. L’infrastructure des loisirs chez nous porte indéniablement sa marque puisqu’il est le père du Service des loisirs qu’il a créé en 1970. Rien ne l’arrête si la cause est la sienne : aider les gens. Aux nombreuses missions – parfois impossibles – qui lui ont été confiées, il répond sans réserve : « Ça va marcher! ». Rencontre avec un chevalier du bien-être des communautés.
Un rassembleur-né
Tout concorde, il est tombé dedans quand il était petit. À Outremont depuis l’âge de trois ans, Jacques Grégoire découvre en fin d’adolescence son talent de rassembleur dans la « Ligue de hockey des fonds de cour de la rue Champagneur ». Il soulève l’enthousiasme des jeunes hockeyeurs en nolisant des autobus pour participer aux matches qui ont lieu dans d’autres villes. « Es-tu devenu fou ? », dira son père, abasourdi. Il réussit à convaincre le maire de l’époque (1964-1969), Bernard Couvrette, qu’Outremont mérite une patinoire à l’abri des intempéries pour recevoir les matches. L’aréna d’Outremont voit le jour en 1965, au même endroit où s’élèvera le Centre Communautaire Intergénérationnel 30 ans plus tard, projet auquel il aura étroitement participé. Pour mousser la popularité de la nouvelle patinoire, le jeune leader devenu instructeur d’une centaine de joueurs crée des événements spectaculaires et fait salles combles en invitant tour à tour Bobby Hull, Jean Béliveau, Gordie Howe et autres icônes du hockey professionnel. La preuve était faite de sa capacité à tutoyer le succès « en embarquant le monde », comme il dit.
Des idées créatrices, une volonté béton
Le succès nourrit la confiance. En septembre 1970, il devient directeur des loisirs et des parcs d’Outremont. Il a 34 ans. C’est à lui que la ville confiera la mission de regrouper dans un même lieu les services de loisirs municipaux, éparpillés au quatre coins de la ville. Le Centre des Arts et Loisirs aura pignon sur rue au 215 de L’Épée de 1975 à 2008. Jacques Grégoire y réalisera un de ses rêves : offrir aux enfants d’Outremont des vacances en ville comme si on était à la campagne. L’organisation exceptionnelle du Parc Soleil a été reconnue sur nombre de tribunes. Les jardinets sous la gouverne des enfants étaient, parait-il, très populaires. « On récoltait jusqu’à trois tonnes de tomates par saison en plus des laitues et autres légumes, se rappelle-t-il. L’important, c’est l’aventure humaine que les enfants ont à vivre ». C’est notamment à sa suggestion que le parc Beaubien fut réaménagé avec la terre extraite de la construction du métro.
Après 15 ans comme directeur des loisirs d’Outremont, il est invité par Pierre Desmarais II, qui a dû quitter la mairie d’Outremont pour la présidence de la CUM, à développer le Service des parcs régionaux de la CUM. On reste encore une fois ébahi par son efficacité à planifier aménagement et organisation à partir de rien tout en intégrant des projets de réinsertion sociale, comme ce fut le cas à Cap Saint-Jacques. En 1996, le Bureau des mesures d’urgence de la CUM requiert ses services pour mettre au point un plan de sécurité civile en cas de sinistre. Redoublant d’ingéniosité pour créer des réseaux et abolir les frontières, il va jusqu’à mettre sur pied un scénario d’écrasement d’avion à Boscoville, où tout le monde doit travailler main dans la main et créer d’improbables amitiés, les jeunes ex-détenus, les policiers, les ambulanciers, autour d’une carcasse d’avion. Il sera le représentant de la CUM auprès d’Hydro-Québec au plein cœur de la tempête de verglas de 1998.
« Quand l’heure de la retraite a sonné en 2002, je ne pouvais pas me résigner à arrêter de travailler », nous a-t-il confié. Il devient consultant en sécurité civile et prévention en cas de sinistres, en plus d’animer des ateliers de formation au Collège Ahuntsic et de siéger sur nombre de conseils d’administration. Encore aujourd’hui, il poursuit son engagement avec le Cercle des Aînés d’Outremont et l’organisme D-Trois-Pierres, qui œuvre dans la réinsertion sociale.
Une espèce en voie de disparition?
Le niveau d’engagement de Jacques Grégoire serait-il encore possible aujourd’hui? « Ce serait plus difficile, avoue-t-il. Je n’aurais probablement pas le support des élus et de l’administration que j’ai eu à l’époque. » « Savoir oser » c’est la première chose qu’il répond quand on lui demande comment il a réussi ses projets les plus audacieux. « On va réussir, je ne m’arrêtais pas à ce qui pourrait ne pas marcher. ».
« Il faut aussi savoir s’entourer. Je dois beaucoup au travail d’équipe, à la consultation, à la participation des services publics et à l’aide exceptionnelle de mon épouse Nicole. Enfin, il faut être conséquent. Les services publics sont là pour les citoyens », rappelle-t-il. « Quand on les consulte, il faut les respecter, les écouter, en tenir compte et donner suite. Cela permet d’aller en amont des besoins et non d’être à leur remorque. Il faut donner la chance aux idées nouvelles », conclut-il. Une chose est sûre, le roulement plus rapide des équipes d’élus de nos jours rend le soutien aux projets plus fragile. Faut-il faire moins de politique et plus de service aux citoyens? Il faut aussi se rappeler l’effervescence de ces années qui ont suivi Expo 67. Tout était à faire, on partait de rien, l’impossible était à portée de main. Jacques Grégoire était certainement la bonne personne au bon moment.
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Commentaires
Il représenté pour moi une grande partie de ma vie.