![PHOTO COURTOISIE](/images/stories/2020/mai/hassidim.jpg)
Un documentaire biaisé
Je voulais regarder, avec beaucoup de curiosité, le film documentaire " Outremont et les Hassidim ‘’. Ma curiosité était double. Ayant signé plusieurs dizaines de documentaires télévisuels en affaires publiques tout au long de ma carrière de réalisateur, je tenais à voir si celui-ci s'en tenait à une rigueur journalistique. En d'autres mots, si ce film était objectif. D'un autre point de vue, étant citoyen depuis 40 ans qui a pu observer les difficiles relations entre nos deux communautés, j'avais hâte d’en connaître le traitement dans le film.
J'ai été profondément déçu.
Ce documentaire manque de rigueur car il ne présente surtout qu'un côté de la problématique, celui du " vivre ensemble ". Selon de nombreux observateurs, il existe une réelle tension entre les deux communautés. Cette tension n'est pas palpable dans ce documentaire. Et les raisons de cette forte tension ne sont pas manifestes non plus dans le déroulement du film.
Ce documentaire est gentil-bonbon-mou, manque de "punch", de muscle et de controverse. Le montage est biaisé. Ça sent la mise-en-scène à l'eau de rose.
Très pauvre comme travail journalistique de Radio-Canada.
Philippe Cinq-Mars,
réalisateur
Pas du reportage mais de la mise en scène
Je demeure dans le quartier Outremont-Mile End depuis 45 ans. Presque chaque jour je circule dans le quartier et je l’observe. En tant que géographe, spécialiste des comportements humain dans l’espace, j’ai eu tout le loisir d’analyser ce qui se passe dans mon quartier, dans mon milieu de vie.
J’étais donc curieux de voir la présentation qu’en ferait le cinéaste Eric Scott dans son reportage Outremont et les Hassidim présenté samedi 18 avril 2020. J’ai été déçu, fortement. J’aurais apprécié une approche globale, respectueuse des différents points de vue, et surtout une approche qui fournit une explication sur ce qui se passe dans mon quartier et qui permet de comprendre les réactions des citoyens d’Outremont. On m’a plutôt servi un discours largement orienté et qui fait surtout place aux particularités du groupe hassidique. Donc une étude culturelle ce groupe et qui met l’accent sur les côtés positifs.
(…)
On nous a plutôt présenté à plusieurs reprises des chanteurs hassidiques tels qu’ils évoluent dans leur salon. De beaux garçons bien habillés, avec une belle voix et un sourire agréable. L’apparence de ces hommes était bien différente des hommes en noir que je vois circuler sur la rue, qui vont du point A vers le point B sans regarder autour d’eux.
Madame Pollack, ma conseillère municipale, a joué un rôle important dans le film. Parlant français, bien habillée avec un beau collier de perles, calme et pondérée, on l’a présentée comme ouverte et tolérante, une rassembleuse en fait. Pour elle le problème en est un d’incompréhension du fait que les citoyens hassidiques n’échangent pas avec les autres citoyens du quartier. Si les voisins se parlaient, ils se comprendraient et ça irait bien. Tous les problèmes disparaîtraient.
(…)
Quand le journaliste Scott a fait appel à des personnes du quartier pour venir témoigner, j’ai pensé me présenter vu que j’ai beaucoup de choses à dire. Mais je n’y suis heureusement pas allé du fait que beaucoup de journalistes ou documentalistes font de longs enregistrements et ensuite choisissent quelques clips qui vont dans le sens de leur idéologie.
(…)
Pour être sérieux, professionnel, ce reportage de notre société d’État aurait du présenter les éléments suivants :
- une problématique axée sur l’évolution d’un territoire multiculturel sous l’influence d’un groupe d’étrangers ayant une culture particulière et fonctionnant en bloc; - les différentes réponses qu’offrent les gens en place (citoyens, médias et politiques); - l’impact qu’aurait dans le futur, dans le cas d’une forte croissance de cette population hassidique.
Léon Gagnon,
Géographe, résidant d’Outremont
Partagez sur