Amsterdam au fil de l’eau
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- PAYS-BAS
- Par Hélène Côté
PHOTOS HELOÏSE BRUNET-LAPOINTE
Des centaines de kilomètres de canaux et des millions de bicyclettes qui nous rappellent les années ‘50 chevauchent quotidiennement les 1280 ponts, dont plusieurs pont-levis ou à bascule. Amsterdam, joyau du Patrimoine mondial de l’UNESCO et ville touristique s’il en est une, porte bien ses 800 000 habitants.
Elle affiche peu d’errance et de mendicité et la tolérance fait bon ménage avec les policiers qui se font discrets. Un concentré d’ouverture face à la différence, d’esprit d’entreprise, de créativité, de responsabilité sociale et de beauté architecturale qui se reflète sur l’onde des canaux. Décidément, Amsterdam ne fait pas les choses comme tout le monde. À preuve : la meilleure façon de la visiter, c’est au fil de l’eau.
Plat pays
Amsterdam, c’est d’abord le Centrum, la vieille ville où tout a commencé au début du XIVe siècle. Quatre grands canaux faits de mains d’homme enserrent le cœur d’Amsterdam et de nombreuses voies plus petites les croisent pour en faire une immense toile d’araignée qui a des allures de labyrinthe. Un plat pays, aurait dit monsieur Brel, bien irrigué qui rend l’exploration facile pour les bateaux, barques et péniches qui l’arpentent presque jour et nuit.
Si les résidants d’Amsterdam optent pour le vélo dans la majorité de leurs déplacements, les néophytes de passage abordent la ville par bateau pour une bonne idée d’ensemble et pour situer les nombreux centres d’intérêt. Parmi la multitude de possibilités de transport – consulter le site canal.nl – , l’entreprise Canal Bus Hop-On Hop-Off offre pour moins de 40 $ des passes de 24 heures sur l’ensemble de son réseau. Quatre lignes différentes pour chacun des grands canaux en demi-lune : le Singel, le Herengracht (canal des Seigneurs), le Keizersgracht (canal de l’Empereur) et le Prinsengracht (canal du Prince), le plus à l’extérieur. On peut descendre du bateau aussi souvent que désiré à l’un ou l’autre des 19 arrêts du circuit.
Tourisme au fil de l’eau
On programme son itinéraire en fonction des visites à faire le long du parcours : des musées extraordinaires comme le majestueux Rijksmuseum, consacré aux arts et à l’histoire des Pays-Bas, de célèbres résidences comme celle d’Anne Frank et la Maison de Rembrandt. On mettra aussi sur sa route le réputé musée Van Gogh, parmi les établissements muséaux de très grande qualité. Ceux-ci sont courtisés abondamment par les touristes durant l’été, ce qui rend très utiles les passes coupe-file qu’offrent la plupart des bateaux. Certains transporteurs mettent de l’avant des croisières-dîners en soirée, et d’autres explorent des thématiques comme le fait Heineken, une entreprise locale qu’on peut visiter au passage et qui fait la promotion de la bière. La ballade permet d’avoir le meilleur coup d’œil sur les nombreux ponts-levis dont le Magere Brug qui relie les deux rives de l’Amstel et déploie à la verticale ses 80 mètres pour laisser passer les péniches. Le soir, le Magere Brug illuminé présente un spectacle saisissant. On peut aussi visiter sur la route les quartiers qui font la renommée d’Amsterdam, le fameux Red Light et le Bloemenmarkt, le marché aux fleurs flottant particulièrement exubérant durant la saison des tulipes de la fin mars à la fin mai.
Un défilé de maisons ancestrales
Au cours de ces randonnées nautiques, le promeneur est frappé par la diversité de l’architecture, du baroque à la Renaissance et au néo-classicisme. On prétend que le tracé des canaux a été dessiné pour que chaque maison ait sa part d’ensoleillement quotidien. Amusant de voir ces défilés de maisons aussi étroites qu’anciennes qui semblent se soutenir les unes les autres depuis des dizaines de décennies, parfois des centaines, comme dans un décor de théâtre. La succession de pignons à redant, à volute et à corniche rappelle les défilés des coiffes des belles dames d’antan. Certains pignons sont ornés de dessins qui remontent au Moyen-Âge et qui faisaient référence à la profession du propriétaire, par exemple un canard pour identifier un éleveur de volailles. Il y en aurait 650 à Amsterdam. Intéressant de les découvrir au fil de la balade. Les adresses numérales seraient apparues seulement à l’époque napoléonienne.
Kibbelings, bitterballens et poffertjes
Déjà midi? Aux intersections des voies navales de la partie nord, les kiosques à poissons proposent le street food typique de la ville : les kibbelings, ces savoureuses croquettes de merlan ou de cabillaud et les fameux sandwiches à l’anguille ou au hareng fumé, quand ce dernier n’est pas offert et mangé tout cru, dans toute la splendeur de sa fraîcheur. Les boutiques de fromages abondent, on peut s’improviser une tartine de Gouda ou d’Edam, hollandais par excellence. Par ailleurs, ce serait une hérésie de rater les bitterballens, spécialité d’Amsterdam. Plus typiques qu’exaltantes, ces petites croquettes faites d’un mélange de viande en sauce épaissie, légères en assaisonnement, est très populaire à l’apéro qu’on accompagne d’une bière locale. Les becs sucrés apprécieront le long du parcours les petits kiosques de poffertjes ces mini-crêpes traditionnelles faites de levure et de farine de sarrasin, qu’on vous sert avec du sucre et du miel.
Pour ajouter à l’exotisme urbain, on s’arrêtera pour un sandwich jambon-fromage au Café Chris, le plus vieux des « cafés bruns » d’Amsterdam, ces établissements reconnus pour leur caractère patiné par les siècles, habituellement tout de bois vêtus, chaleureux et historiques. Le Café Chris – cafechris.nl – date de 1624 et offre un spectaculaire voyage dans le temps. On y accède par le trajet vert (Princengracht) du Canal Bus au même arrêt que la Maison d’Anne Frank. Un rappel qui pourra s’avérer utile : les coffee shops sont d’abord des points de vente de cannabis et autres substances qualifiées illicites à peu près partout ailleurs sur la planète. Improbable d’y trouver une offre alimentaire intéressante à l’heure du midi.
Dormir sur l’eau
On estime à 2 500 le nombre de péniches amarrées de façon permanente le long des canaux d’Amsterdam. Elles sont toutes raccordées au réseau d’aqueduc et d’électricité de la ville. Environ 70 d’entre elles offrent l’hospitalité aux visiteurs. Dans certains cas, on peut louer la péniche au complet pour une famille ou un groupe d’amis. D’autres offrent la location d’une chambre façon B&B. Plusieurs sont formidablement bien équipées, internet, télé, cuisinette et vue exceptionnelle sur les canaux, autant d’avantages qui font varier les tarifs de 100 $ à plus de 800 $ la nuitée. Bonne idée de bien choisir sa péniche en fonction de ce qu’offre le quartier où elle est amarrée. Pour un environnement paisible, vivant et des plus charmants, on sera séduit par le quartier Jordaan au nord-ouest d’Amsterdam. Vous aurez à quelques enjambées accès à plusieurs des grands musées, à des marchés hebdomadaires et quotidiens pour ne nommer que le Albert Cuyp Market, à de bons restaurants et à des balades à pied mémorables dans les 9 Straatjes, ces neuf petites rues pittoresques bordées de cours intérieures fleuries, de galeries d’art, de jardins paisibles et de jolies boutiques. On trouvera moult détails sur la dizaine de péniches du quartier Jordaan sur les sites houseboat-rental-amsterdam et houseboathotel.nl.
Vivre Amsterdam au fil de l’eau, c’est aussi savourer la vie quotidienne des nombreux Amsterdamais qui habitent la vieille ville, c’est voir filer les papas à vélo transportant leurs petits au retour de la garderie, c’est capter le bien-être qu’offrent les petites terrasses privées aménagées en bordure des canaux, c’est participer à la formidable marmite culturelle et sociale de cette belle toile humaine.
Paradis sur mer
À 7 km à l’est d’Amsterdam mais à l’autre bout du monde tant le rythme est à l’opposé de celui de sa voisine, voici Durgerdam. Ce charmant petit village maritime de quelques centaines d’habitants est un havre de bonheur à quelques kilomètres de la cohue urbaine. Une cinquantaine de petites maisons à pignons colorés bordent la baie et font écho à autant de voiliers amarrés juste en face. Une colonie de cygnes a adopté les fraîches eaux de la rivière Issjel en bordure de la baie, les canards y élisent domicile et de nombreuses mouettes sillonnent l’azur. Sommes-nous au ciel?
Un petit hôtel de 16 chambres accueille les visiteurs pour la nuit avec simplicité et beaucoup de gentillesse. Le personnel du De Ouden Taveern Hotel vous dira que le bâtiment d’origine a été construit en 1760 et qu’il servait de comptoir marchand où les pêcheurs écoulaient leurs prises. Le hall d’entrée qui fait office de restaurant est une mine de trouvailles qui ont chacune leur histoire. Par beau temps, on savourera kibbelings aux crevettes, wiener shnitzels et brochettes de poulet satay sur l’étonnante terrasse à paliers qui descend vers la baie.
Les sites d’observation des oiseaux sont nombreux tout autour. On y accède à bicyclette grâce à un réseau de pistes cyclables bien rodé dont certaines longent la baie alors que d’autre pénètrent dans de charmants petits villages comme Holysloot et Ransdorp. L’hôtel loue des bicyclettes et prépare des paniers-repas pour les excursions.
À un jet de pierre du centre d’Amsterdam, on s’y rend en voiture à l’intérieur de 20 minutes, et à vélo en 30 minutes, à partir de Central Station.
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