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Selon le maire Philipe Tomlinson, « après avoir mis fin au conflit qui perdurait » le Conseil de l’arrondissement d’Outremont constituera une table de concertation sur les relations entre juifs et non-juifs1. La tâche en sera de « proposer des initiatives communautaires favorisant une meilleure compréhension, le respect mutuel et le dialogue ». Composée de 6 à 8 membres choisies par un comité, la table « sera paritaire […] entre les communautés hassidiques et non-hassidiques ».
L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal y participera pour le district du Mile End où, toujours selon le maire Tomlinson, les enjeux seraient les mêmes qu’ici. Deux études, l’une2 par Valentina Gaddi, doctorante en sociologie à l’Université de Montréal, l’autre3 par Frédéric Dejean du département de sciences des religions à l’UQAM, alimenteront éventuellement « les échanges des membres de la Table ». L’Institut du Nouveau Monde « agira comme tiers neutre afin de veiller au bon déroulement des rencontres et de favoriser la participation équitable de tous les membres ».
Ce communiqué suscite de nombreuses questions. Le maire obligerait les citoyens en y répondant afin d’éclairer leur choix pour les prochaines élections municipales.
• Comment peut-il soutenir que le conflit qui perdurait est terminé? Pour ne citer qu’une pomme de discorde créée par sa majorité au Conseil, l’autorisation de l’emplacement d’une synagogue à l’angle des avenues Champagneur et Bernard fait l’objet d’un litige non réglé devant la Cour Supérieure.
• La table de concertation sera-t-elle paritaire pour la population non hassidique d’Outremont? Le district du Mile End et l’arrondissement d’Outremont y seront représentés également. Or (i) si, comme le dit le communiqué sans toutefois le montrer, les enjeux de vivre ensemble (propreté, utilisation des espaces partagés, etc.) sont les mêmes pour les hassidim du Mile End et ceux d’Outremont, le sont-ils pour les non hassidim de notre arrondissement et ceux de leur district? (ii) Sur sa page Facebook, M. Tomlinson affiche « Défense de notre autonomie auprès de la ville centre4 ». Serait-ce pour mieux mettre l’autonomie de l’arrondissement d’Outremont à la remorque du district du Mile End?
• Selon le film documentaire d’Eric Scott, les non hassidim (les « goy », les « Gentils ») représenteraient entre 75% et 80% de la population d’Outremont; ils ne représenteront toutefois que 25% de la table de concertation. Ne risquent-ils pas ainsi d’y être peu et mal entendus?
• Les membres très minoritaires à la table de concertation des non hassidiques d’Outremont que choisira le comité représenteront-ils authentiquement le mécontentement profond de ce groupe majoritaire pour plus des trois quarts?
• Les universitaires dont les études « alimenteront les échanges de la Table » révèlent leur parti pris dans « Hassidim et rassemblements illégaux : des pistes pour comprendre » publié le 29 janvier 2021 dans The Conversation5. Mme Gaddi et M. Dejean y contestent en effet la primauté dont devraient jouir les recommandations de la science médicale sur les exigences de rites religieux, même en temps de crise de santé. Pouvons-nous sereinement accepter que les convictions religieuses d’une minorité mettent en péril la santé, voire la vie, de tous? M. Tomlinson nous expliquera-t-il pourquoi ce parti pris des experts qu’il a choisis ne le trouble pas? Certes, des illuminés libertaires vocifèrent, eux aussi, pour justifier leur insoumission aux recommandations de la science, mais leurs protestations sont tout aussi troublantes.
Si le maire ne répond à ces questions ni ne dissipe les inquiétudes qu’elles soulèvent, il ne sera pas déraisonnable de conclure à l’existence d’un ordre du jour dissimulé.
Autre souci, mais de nature différente. Cette proposition à la dernière minute de collaboration avec le Mile End, manifestement bancale et au détriment d’Outremont, révélerait-elle quelque ambition de Projet Montréal de fusionner notre arrondissement avec le district du Mile End de nature et de tradition certes respectables, mais néanmoins distinctes? Révélerait-elle le rêve de diluer davantage le peu d’autonomie que les fusions forcées ont laissé à Outremont?
Pierre Joncas
Auteur des Accommodements raisonnables entre Hérouxville et Outremont, Les PUL (Presses de l’Université Laval), Québec, 2009
2. Espaces publics et ouverts au public dans les quartiers d’Outremont et du Mile End fréquentés par les hassidim et non-hassidim.
3. Géographie précise des établissements culturels juifs hassidiques dans les arrondissements d’Outremont et du Plateau-Mont-Royal.
4.https://www.facebook.com/noussommesoutremont/photos/a.323589774747353/1197246140715041/?type=3&theater
5. https://theconversation.com/hassidim-et-rassemblements-illegaux-des-pistes-pour-comprendre-154018
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