PHOTOS MARILI SOUDRE-LAVOIE
L’odonymie fait aujourd’hui partie intégrante du paysage urbain. Elle nous renseigne tout particulièrement sur les étapes qui ont marqué le développement d’une municipalité. Avec l’aimable collaboration de la Société d’histoire d’Outremont, nous retraçons l’histoire d’une rue d’Outremont.
Les renseignements ci-dessous sont tirés du Répertoire des rues d’Outremont et leurs histoires par Ludger Beauregard, une publication de la Société d’histoire d’Outremont (2015, 280 pages, reliure spirale). Il est possible de se procurer ce titre au montant de 25 $ en composant le 514 271-0959. histoireoutremont.org
En 1907, les Clercs de Saint-Viateur vendent leurs derniers terrains, situés autour de la propriété de A.-Ovide Morin, au conseiller juridique de la Ville, Charles-P. Beaubien, frère de l’échevin Joseph Beaubien. Le nouveau propriétaire terrien de 221 515 pieds carrés soumet un plan de subdivision, qui est accepté par la Ville, et réclame l’ouverture et l’aménagement d’une avenue au milieu de sa propriété. Or, il existe depuis 1898 un tronçon de l’avenue Champagneur au sud de l’avenue Québec (Elmwood), auquel il faut se raccorder. En prolongeant en ligne droite ce bout de rue, il faudrait déplacer ou démolir la seule grosse maison en place. Malgré des pressions en faveur d’une rue droite, la conservation de la maison Bouthillier-McDougall-Morin l’emporte et l’avenue prendra une courbe pour atteindre le chemin de la Côte-Sainte-Catherine. L’avenue a été tracée en 1907 et ouverte l’année suivante.
Les premiers bâtiments y sont construits en 1910, sauf évidemment la maison patrimoniale (221), et plus de la moitié des 30 maisons de l’avenue datent de la décennie 1910. Deux seulement ont été érigées après la Seconde Guerre mondiale, la plus récente en 1949 (numéro 277). Elles sont de taille variable, allant de la petite au numéro 268 (1936) à la grande au 281 (1912). Après des années, le 259, datant de 1910, a pris des dimensions importantes et une grande allure.
Il s’agit dans l’ensemble d’habitations unifamiliales, dont une douzaine sont jumelées, les autres isolées. Leurs façades sont généralement articulées sur deux ou trois plans et se prolongent parfois par un porche couvert, un balcon à l’étage ou une galerie. La recherche décorative reste toujours discrète se limitant à une alternance de matériaux, une belle corniche ou une fine balustrade de galerie. L’ancienne maison Bouthillier conserve son caractère néoclassique d’inspiration palladienne et le numéro 268 fait figure de pionnière du mouvement rationaliste moderne à Outremont. [P.-R. Bisson (1991), Outremont et son patrimoine, fichier signalétique des rues].
L’avenue McDougall, régulièrement bordée de beaux arbres, ménage une percée visuelle intéressante vers le nord, qui aboutit au monument commémoratif des soldats morts pour leur patrie.
Un odonyme controversé
Qui a choisi l’odonyme? Il faut ici rappeler que les Clercs de Saint-Viateur avaient donné en 1898 le nom de Champagneur au premier tronçon de cette avenue, au sud d’Elmwood d’aujourd’hui. Il faut se souvenir aussi que le tronçon complémentaire de ce tracé initial n’a été établi qu’après la vente des derniers terrains de l’Institution Catholique des Sourds-Muets entourant la maison Morin, c’est-à-dire en 1907, date à laquelle la Ville a pris possession de l’assiette de la rue. Ce sont les Beaubien (Louis, Charles, Joseph) qui en poussaient alors l’ouverture auprès du conseil municipal (juillet et août 1907), présidé par le maire Alfred Joyce. On sait que ce dernier s’était souvent opposé aux requêtes du frère Charest et tenait les Beaubien à l’œil.
Il semble bien qu’on ait écarté Champagneur, le nom prédéterminé de cette rue, en se disant que les Clercs, maintenant en mauvaise situation financière, avaient suffisamment baptisé de rues. Les Beaubien auraient pu proposer le nom de Bouthillier, responsable de la renommée de la ferme Outremont. Aucun document ne révèle les tractations au sujet du choix de McDougall, bien qu’on puisse y voir un accord entre le conseil municipal à majorité anglaise et le propriétaire français, avocat de la Ville. Dans les circonstances, l’influence du maire est pesante et Alfred Joyce a fort probablement proposé ou appuyé l’odonyme de McDougall.
Bref, l’avenue McDougall rappelle la mémoire de Donald Lorn MacDougall (sic), financier prospère, qui a pendant une trentaine d’années habité la célèbre maison Bouthillier alors mieux connu sous le nom de « McDougall Mansion ».
Partagez sur