Île aux multiples invasions et aux occupations territoriales diverses durant les guerres interminables entre l’Espagne et l’Angleterre, et au fabuleux passé de piraterie et de brigandage, Roatan est un territoire qui appartient au Honduras à 30 km de la côte hondurienne, où l’essentiel de l’intérêt touristique tourne autour de West Bay, pour sa plage animée et ses nombreux hôtels, et de West End, où restaurants et boutiques pour touristes s’immiscent à la vie quotidienne des villageois. L’endroit est un paradis pour les plongeurs, mais qui n’est pas détenteur d’un certificat de plongée sous-marine, peut en revenir avec des sentiments partagés, voire même celui d’être un touriste de « seconde zone ». Ici, le diver est maître, et la « société distincte » dont il fait partie a pour royaume un nombre quasi-illimité de sites sous-marins, et une infrastructure d’accueil terrestre vaste et variée.
Des milliers de plongeurs, chaque année, foulent cet univers marin fascinant qui entoure Roatan et qui en fait l’une des destinations de plongée sous-marine les plus prisées de la planète avec ses eaux cristallines, ses poissons multicolores, et le plus grand récif de corail au monde après l’Australie. Ici les hôtels multiplient les forfaits, les centres de plongées qui louent ou vendent de l’équipement sont partout, et certains ont même leur propres restaurants et bars. Bref, il n’y a pas une minute dans la vie d’un visiteur à West Bay ou à West End où il n’est pas témoin d’un cours de plongée, d’un essai d’équipement sur plage, du départ en mer d’aficionados emballés, ou d’un groupe de plongeurs heureux rigolant autour d’une Salsa Vida ou d’une Barena, deux bières honduriennes appréciées. Pour qui n’est pas plongeur mais totalement rompu au bronzage ardent et parfois à une musique américaine omniprésente crachée par des hauts parleurs géants (lors de mon séjour il y avait même une discothèque flottante !), et où l’on fraie son chemin parmi les marchands de souvenirs et d’excursions à fort prix, vous êtes à la bonne place à la page de West Bay. Si par contre vous êtes un touriste le moindrement responsable et curieux, vous n’en sortirez pas tout à fait indemne. Ainsi, un ami français qui a de profondes racines latino-américaines, se souvient de West Bay il y a 20 ans, qui n’était alors qu’une longue plage presque déserte où quelques pêcheurs assuraient leur subsistance. Il se désole devant le spectacle du développement à l’accéléré et hâtif d’un urbanisme inégal, où des constructions inachevées voire abandonnées voisinent de luxueux hôtels, dans des conditions environnementales douteuses et en l’absence manifeste de politique sur le recyclage. Ils n’y retourneront pas. Puis cet autre, triste de constater que les coraux de proximité soient dénués de vie après avoir été piétinés par tant de touristes irresponsables, alors que la très grande majorité des plongeurs accrédités, je le crois, sont sensibilisés à la fragilité des sites coraliens. Ou encore ce quinquagénaire hollandais, indigné que pour chaque dollar dépensé, une partie importante va dans les poches d’un gouvernement hautement corrompu incapable de gérer ce pays d’une pauvreté inouïe, qui affiche le plus haut taux d’homicide au monde.
Cela dit, un voyage n’est-il pas souvent réussi grâce à la qualité de nos rencontres et à notre souplesse à s’adapter à un nouveau milieu de vie, aussi éphémère soit-il, parfois en laissant de côté notre sens critique ? Ainsi ces quinquagénaires non-plongeurs de Québec semblaient vraiment heureux de leur séjour, après avoir fait le plein de nouveaux amis, partageant avec eux des soirées bien arrosées. Puis ce jeune couple d’Albertains ne demandant pas mieux que de rester confinés dans l’enceinte de l’hôtel et des environs immédiats, profitant de la plage, des sorties proches en snorkels et des excursions en mer, semblaient ravis de leur sort. D’autres choisiront de faire quotidiennement la navette entre West Bay et West End en water-taxi, cette barque motorisée que l’on partage à plusieurs, alternant entre farniente sur la plage d’une part et l’effervescence des bars, des restaurants et des boutiques d’autre part.
Pour le poisson
On ne se rend compte vraiment de la nature hautement périssable du poisson que lorsqu’on le consomme sur place, fraîchement pêché, par opposition à celui vendu à la poissonnerie, parfois après plusieurs jours de transport. Ici le poisson est roi. Partout poissons et fruits de mer sont de grande fraîcheur et la cuisson, souvent sur le gril, est toujours juste. Ainsi ce filet de rouget au parfum d’ail sur macédoine de petits légumes était une pure merveille de simplicité et de goût ; et ces calamars farcis au jambon, chorizo et chair de calamar à la sauce tomatée, exquis. (Tratorria da Piero, hôtel Las Rocas, West Bay, lasrocasresort.com). Plus encore à caractère local, le rouget entier sur plato tipico, un plat typique du Honduras avec arroz con frijoles (riz et fèves noires), banane plantain frite, et salade fraîche (The Lighthouse, West End, facebook.com/lighthouseroatan). Je me suis régalé du King Crab, un crabe géant que l’on sert cuit vapeur avec sauce à l’ail à la carapace si dure que l’on fournit une robuste planche et un solide maillet de bois pour mieux parvenir à ses fins (Foster’s restaurant, West Bay, fostersroatan.com/menu). Si comme moi vous ne vous lassez jamais de poissons frais, il n’est cependant pas interdit de lorgner d’autres propositions alléchantes. Par exemple ce très bon poulet grillé sauce chimichurri (Argentina Grill, West End, facebook.com/argentiniangrillroatan) ou cet excellent hamburger tériyaki sous les bananiers et les limetiers de ce fort joli café tenu par Kim Woods, une Canadienne qui ne s’approvisionne que de produits locaux. (Earthmama’s, West End, earthmamasroatan.com). Puis à West Bay, un déli spécialisé en petit déjeuner à l’américaine, où on peut se procurer des produits fins à fort prix, mais où on offre les meilleurs sandwichs de Roatan (Mangiamo Market and delicatessen, West Bay, roatandeli.com)
Tous les menus proposent des frites comme accompagnement. Mais elles sont toujours, malheureusement, surgelées, donc à mon avis, jamais bonnes. Aussi certains restaurateurs – peut-être en voulant plaire aux touristes américains – ajoutent du sucre au arroz con frijoles, ce mélange de fèves noires et de riz, classique de la cuisine populaire d’Amérique centrale, ce qui est une pure hérésie.
S’il n’y avait qu’un seul dessert à retenir parmi un choix somme toute assez limité, c’est l’excellent gâteau au yucca, un flan fait à partir de racines de manioc (ou yucca) à l’œuf, au sucre et au lait évaporé, aux parfums de citron, d’orange ou lait de coco, parfois avec cannelle et muscade. Un délice.
Café et chocolat
Le café est une source de revenus d’importance pour le Honduras. Le pays est le plus grand producteur et exportateur de café Arabica en Amérique centrale et le septième plus gros producteur au monde. La production et l’exportation de café auraient même sauvé le Honduras de la faillite après la crise politique de 2009. Sur Roatan, des intermédaires importent le café vert du continent, le torréfient et l’emballent dans leur petite usine de production artisanale. On peut en visiter un à West Bay qui propose un café équilibré à l’ârôme intense et riche, moulu ou en grains (Café Buenos Dias, West Bay). Un peu à l’extérieur du village de West End, on emprunte un collectivo, un taxi collectif qui ne coûte que 1$ pour se rendre à la plaza Alba, un minuscule centre commercial où se côtoient boutiques de souvenirs et cafés. Le Fresh bakery and cafe est un authentique petit café pâtisserie à l’américaine où café, salades, petits déjeuners, pains et pâtisseries fraîchement sortis du four font bon ménage dans une atmosphère décontractée (Fresh Bakery and cafe, West End) et son voisin immédiat est un chocolatier artisanal où l’ensemble de la production est faite sur place à partir des meilleurs fèves de cacao du Honduras. (The Roatan Chocolate Factory, West End, facebook.com/theroatanchocolatefactory).
Île de Roatan, archipel de Bay Islands, mer des Caraïbes, Honduras, 52 000 habitants, 154 km de côtes, ville principale Coxen Hole (pop. 10 500), langues anglais et espagnol. Vol direct Montréal-Roatan par Air Transat.
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