Devrais-je honnêtement me réjouir de la fermeture d’un journal concurrent, ou me désoler d’un recul de la démocratie locale ? Les deux possiblement, mais le problème est malheureusement bien plus grand que ça.

Peut-être, notamment au niveau des retombées publicitaires, y soutirerais-je quelques avantages, mais il s’agit ici d’un journal qui avait sa raison d’être, notamment pour sa très bonne couverture des affaires municipales. La fermeture de L’Express d’Outremont est un triste prolongement de la crise des média qui sévit partout, précisément chez les journaux locaux.
Je connais bien l’Express d’Outremont pour l’avoir fondé avec 2 partenaires il y maintenant 26 ans. Le journal était alors de périodicité bimensuelle et se distinguait par une signature graphique unique, sur un format broadsheet – par opposition au tabloïd –, c’est-à-dire un format qui s’apparentait plus à celui des grands quotidiens. Grâce à son implication soutenue dans le milieu, l’Express d’Outremont est vite devenu le seul journal local digne de ce nom dans la localité.
La vente au groupe Transcontinental au tournant de l’an 2000 aura toutefois contribué à dénaturer le produit d’origine, après l’avoir réduit à un format tabloïd, puis le jumeler avec le journal de Ville Mont-Royal, pour enfin en changer le logo, à l’image des autres journaux appartenant au Groupe Transcontinental, uniformisant sa présentation et aliénant son caractère distinct. Puis les bureaux administratifs du journal ont été déplacés dans l’ouest de la ville de Montréal, par soucis d’économie d’échelle certainement, ayant pour conséquence d’affaiblir la présence du journal local dans son milieu. Le résultat tout à fait prévisible a été que les commerçants locaux, unique source de revenu du journal par leurs placements publicitaires, l’ont déserté graduellement.
Il n’en demeure pas moins que le véritable enjeu reste l’état de précarité généralisé des journaux locaux dû à la migration vers les réseaux sociaux des placements publicitaires, et à la décision de plusieurs villes et arrondissements de pratiquement « couper les vivres » aux publications locales en y retirant les espaces publicitaires et les avis publics, comme c’est le cas à Outremont.
Si le Journal d’Outremont que vous lisez en ce moment ne fait pas exception à la règle, son plan d’affaires semble mieux adapté à la réalité d’aujourd’hui. En proposant une publication papier trimestrielle de qualité et une publication web à la semaine, le journal d’Outremont, que je dirige, est, peut-être, dans sa forme actuelle – et l’avenir nous le dira – le prototype du journal de quartier de demain.
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