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Non, je ne suis pas obsédé par les ruelles vertes de Projet Montréal, et je suis bien d’accord avec l’idée du verdissement des ruelles, mais ce qui me dérange profondément, c’est l’approche prise par Projet Montréal.
Outremont avait depuis 2009 une politique des ruelles vertes. En avril 2019, l’administration Tomlinson, pour ne pas être en reste sur les autres arrondissements Projet-Montréal, a jeté cette politique aux rebuts pour adopter sa propre politique calquée sur celle du Plateau. En plus de donner plus de valeur aux voix de ceux qui proposent des aménagements (25% suffit) qu’à celles de ceux qui s’opposent (50%+1 est nécessaire), la nouvelle politique des ruelles vertes préconise et privilégie la déminéralisation des ruelles (extraction de l’asphalte) comme base du verdissement. La déminéralisation peut prendre deux formes, soit l’excavation de tranchées au milieu de la ruelle et l’installation de pavés alvéolés pour faciliter l’écoulement des eaux de pluie, soit l’excavation d’un tronçon de la ruelle sur toute sa largeur pour l’aménagement de zones champêtres. La politique de Projet Montréal à Outremont privilégie les aménagements champêtres à cause des bénéfices écologiques et sociaux mythiques immenses qu’elle leur prête.
Suite au dépôt de la politique, sept (7) projets de ruelle verte ont été élaborés à l’automne 2019 et au printemps 2020 par des comités verts avec une participation plus ou moins forte des riverains. En principe, selon le Guide des ruelles vertes d’Outremont, un comité vert doit être composé de 5 résidents et il doit y avoir 25% de lettres d’approbation signées par des riverains, mais il ne semble pas y avoir eu de décompte systématique des résidents, ni de contrôle rigoureux du 25%. Les projets soumis par les comités verts ont été approuvés par l’arrondissement après étude préliminaire et ils ont fait l’objet en juillet 2020 de présentations qui peuvent être visionnées sur le site des webdiffusions. Je me suis farci l’écoute de ces sept présentations, j’ai pris note des plans et j’ai établi à l’aide de Google Maps aussi précisément que possible les dimensions des aménagements proposés. Présentement, l’administration Projet-Montréal et le bureau des projets d’Outremont sont engagés dans une course contre la montre pour réaliser les 7 projets au printemps, faire des inaugurations pendant tout l’été et en tirer profit pour les élections à l’automne 2021.
La confection des plans a débuté à l’automne 2020 et on a vu dernièrement une équipe de forage venir prélever des carottes dans les ruelles pour faire l’analyse des sols. Cette analyse est cruciale pour déterminer la perméabilité des sols, la profondeur à excaver et le type de remblai à installer pour assurer l’écoulement des eaux, la stabilité des pavés alvéolés et le type et succès des plantations de végétaux. Elle permettra d’estimer les coûts d’excavation et de remblai, et le volume de sols contaminés à extraire dont il faudra disposer éventuellement séparément.
A Outremont, contrairement aux autres arrondissements, les ruelles doivent être déneigées pour permettre le stationnement et l’enlèvement des ordures. Environ 75% de la longueur nord-sud des ruelles que l’on veut déminéraliser donne sur des espaces de stationnement. Pour permettre le passage des engins lourds, on laissera des roulières asphaltées sur les côtés et l’on excavera au milieu des ruelles des tranchées d’un mètre de large où on installera des pavés alvéolés. Comme les zones champêtres ont rencontré quelque résistance auprès des résidents, Projet-Montréal, faisant croire que c’est l’initiative des comités verts et des résidents, s’est rabattu sur les tranchées en pavés alvéolés pour maintenir son objectif de déminéralisation.
A partir des plans présentés par l’arrondissement, j’ai estimé qu’on excaverait près de 575 m de tranchées et 800 m2 de zones champêtres ou entrées de ruelles, soit 1 375 m2 pour une profondeur moyenne de 1 m et un coût de 137 500 $ au prix de 100 $/m2. Il est possible que la profondeur d’excavation soit inférieure en certains endroits ou supérieure selon la capacité d’absorption du sol ou le type de plantations. La profondeur d’excavation ne devrait que marginalement affecter les coûts.
J’ai calculé qu’on installera environ 950 m2 de pavés alvéolés (type Cassara Verde). Pour couvrir un m2 en pavés alvéolés, il faut selon le fabricant (Permacon) 8,2 pavés. Le prix du pavé sera d’environ 9 $ l’unité, pour un coût estimé de près de 300 $/m2 comprenant pavé, terreau, graminées et installation. Le coût total des pavés alvéolés serait ainsi d’environ 282 000 $ pour les 7 ruelles vertes.
Cependant, comme l’asphalte existante des ruelles est fortement dégradée et qu’il faut assurer une capacité portante suffisante des roulières, un support latéral adéquat aux pavés alvéolés, ainsi qu’une pente vers la tranchée, si on veut réellement drainer les eaux de pluie, il sera nécessaire, aux dires mêmes du spécialiste de l’arrondissement (présentation l’Aquaruelle 14 juillet) de refaire à neuf la fondation et l’asphalte des roulières, le long des tranchées centrales. La solution retenue serait celle du béton rainuré ce qui implique de couler une couche de béton sur une base d’agrégats, comme on fait pour les trottoirs, et d’imprimer des rainures.
Dans l’éventualité où cette solution serait appliquée partout tout où l’on prévoit creuser des tranchées, il faut s’attendre à une augmentation très substantielle des coûts, peut-être de 200 000 $ ou même davantage. Il est possible que la solution des roulières en béton soit nécessaire pour éviter les problèmes de capacité portante et de drainage, et aussi parce que de laisser le vieil asphalte, ce ne serait pas très beau et très durable. Alors, on aura glissé vers une solution où on refait les ruelles à neuf, alors qu’au départ, on ne disait que vouloir les verdir.
Par mesure de prudence, je n’ai ajouté dans mon estimation que les 150 m linéaires de roulières en béton prévus dans les plans pour 2 ruelles, à 300 $/m2 et un coût de 45 000 $, sans ajout pour les autres ruelles où l’on projette de creuser des tranchées. J’ai ajouté aussi 40 000 $ pour les 8 barrières amovibles que l’on prévoit installer, ainsi que 20 000 $ pour les plantations de végétaux et le mobilier (bancs, bacs, armoires à poubelles, etc.), ce qui est peu. L’estimation du coût des travaux pour les 7 ruelles grimpe à 525 000 $; une marge de 20% d’imprévus porte le total à 630 000 $. Enfin, il faut ajouter le coût des analyses de sol, estimé à 50 000 $, et les honoraires des architectes et des ingénieurs, estimés à 15% du coût des travaux, soit 80 000 $.
Par cet exercice, j’arrive à un coût total estimatif de 760 000 $ pour les 7 ruelles vertes prévues en 2021, ce qui à mon avis est un chiffre conservateur. De plus, il faut ajouter à ce montant la rémunération et les charges du spécialiste des ruelles vertes, soit environ 100 000 $/an ou 200 000 $ pour 2019/20 et 2020/2021, plus les salaires et charges des employés municipaux qui seront impliqués dans les aménagements et dans l'entretien des ruelles vertes, ces coûts étant imputés au budget de fonctionnement. On arrive donc facilement à coût total de 1 000 000 $.
Il est alors très probable que les montants investis dans les ruelles vertes en 2020/21 soient bien supérieurs à ce qui est prévu au Programme triennal d’investissement (PTI) qui est de 250 000 $ pour 2020/21 (250 000 $ pour 2021/22 et 300 000 $ pour 2022/23).
A mes questions répétées aux séances du conseil à savoir comment l’arrondissement ferait pour rentrer dans le budget du TPI, Mme Patreau et le maire Tomlinson ont d’abord répondu que les coûts ne seraient pas si élevés, pour ensuite dire que l’arrondissement disposait de surplus. Effectivement, dans sa réponse aux citoyens en désaccord avec le projet « Ruelle des oiseaux » (Rockland-Davaar/Van Horne-Ducharme) qui s’inquiétaient des coûts du projet, le maire Tomlinson a répondu que « l’arrondissement a depuis des années accumulé de gros montants non utilisés dans d’anciens projets d’immobilisation », et donc il n’y a pas de problème à la dépense et vous n’aurez pas d’augmentation de taxes. Nous aimerions savoir quels sont ces montants non inutilisés qui viendraient s’ajouter au règlement d’emprunt AO-509 de 800 000 $, le maire Tomlinson peut-il donner un chiffre?
Donc, sur la base de mon analyse, j’accuse l’administration Projet-Montréal, afin de satisfaire ses partisans et dans une approche clairement électoraliste, de manquer de transparence et de leurrer les citoyens sur les coûts des ruelles vertes et d’adopter des priorités d’investissement qui n’ont pu être évaluées et approuvées par les citoyens. De plus, si on prend en exemple les passages piétonniers chromés de la rue Lajoie et la placette plaquée-or de l’Espace Champagneur à côté du théâtre Outremont, cette administration ne lésinera pas sur les moyens pour avoir du beau et on se retrouvera avec des ruelles vertes qui auront coûté très cher pour des bénéfices qui n’ont pas été évalués sérieusement et une durabilité incertaine, car l’entretien sera à la charge des résidents. Qui seront-ils, les 25% qui auraient voté pour, ou les 75% qui ne se sont pas prononcés ou qui sont contre? Et voilà! Vlan pour la durabilité et l’harmonie entre voisins à la Projet Montréal! Et vlan pour la restreinte dans les dépenses, car une fois les projets réalisés, il faudra rembourser les emprunts par nos taxes! Nous sommes en année d’élections, n’est-ce pas?
Simon Latraverse, Outremont
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