PHOTOS MARILI SOUDRE-LAVOIE
L’odonymie fait aujourd’hui partie intégrante du paysage urbain. Elle nous renseigne tout particulièrement sur les étapes qui ont marqué le développement d’une municipalité. À chaque numéro du journal d’Outremont, avec l’aimable collaboration de la Société d’histoire d’Outremont, nous retraçons l’histoire d’une rue d’Outremont.
Les renseignements ci-dessous sont tirés du Répertoire des rues d’Outremont et leurs histoires par Ludger Beauregard, une publication de la Société d’histoire d’Outremont (2015, 280 pages, reliure spirale). Il est possible de se procurer ce titre au montant de 25 $ en composant le 514 271-0959. histoireoutremont.org.
L’avenue Elmwood affiche plus de caractère que l’avenue Fairmount, ce qui n’est pas difficile. Si l’amorce de cette rue semble apparaître dans la carte dressée par Hopkins en 1879, son premier tracé ne sera établi qu’après 1890, au moment où les Clercs de Saint-Viateur planifient le lotissement de leur vaste propriété. Ceux-ci cèderont gratuitement à la municipalité d’Outremont, en 1898, trois pièces de terre contiguës dans leurs lots 33, 34 et 35, lesquelles mesurent 80 pieds de largeur et s’étendent « du côté nord-est de l’avenue Querbes à la partie de l’avenue Québec autrefois cédée par M. Watson Griffin ». Ladite partie se trouvait près de l’avenue Bloomfield et avait déjà été offerte, en 1896, pour former une éventuelle rue désignée, par le propriétaire donnant, du nom de Quebec en anglais. Voilà l’origine de la première dénomination de l’actuelle avenue Elmwood.
Ce n’est toutefois qu’en 1901 que la municipalité ouvrira réellement l’avenue en y enfouissant des canalisations d’eau et d’égout entre Querbes et Outremont, d’après ses plans. La date semble précoce étant donné que les premières constructions apparaîtront beaucoup plus tard, en 1907 seulement.
En 1913, les résidents de l’avenue Québec demandent au conseil municipal de changer le nom de leur rue. La question est soumise au Comité des noms de rue, présidé par le conseiller Andrew Stuart, qui recommande le spécifique de Elmwood. Or, ce nom avait été préalablement donné au projet d’avenue à ouvrir à l’ouest de l’avenue McCulloch, à travers la propriété des Soeurs Missionnaires de l’Immaculée-Conception. À cause de la résistance de ces dernières, le projet a avorté à peu près au moment de la demande en question, d’où probablement la recommandation qui a été faite par le président Stuart. Cet odonyme de Elmwood (orme, ormaie) est descriptif et témoigne de la volonté du maire Beaubien et du gérant Duchastel de planter des arbres dans la ville en plein développement. Le parc Outremont venait d’ailleurs de perdre ses derniers grands ormes!
Cadre immobilier
Une vingtaine de maisons bordent l’avenue Elmwood. Elles ont été construites entre 1907 (n° 58) et 1924 (n° 50). Près de la moitié date de la première décennie du siècle et 80% d’avant la fin de la Première Guerre mondiale. Il s’agit d’habitations isolées, jumelées ou en rangée, rigoureusement alignées, presque toutes recouvertes de brique rouge et agrémentées d’une galerie et d’un balcon. La plupart possèdent un toit plat à parapet droit ou articulé, dont la corniche est surbaissée.
Le paysage architectural varie d’un segment à l’autre. Entre les avenues Querbes et De L’Épée, les deux côtés de la rue sont principalement occupés par les façades latérales des maisons orientées sur les voies transversales, une situation qui entraîne des ruptures dans les alignements. Entre De L’Épée et Bloomfield, la face nord présente une disposition analogue à la précédente, alors que la face sud affiche une continuité et une homogénéité remarquables. Entre Bloomfield et Outremont, le côté sud comporte des maisons pour la plupart isolées et assez espacées en face du parc Outremont.
Deux architectes réputés ont conçu la maison qu’ils ont habitée avenue Elmwood: J-Zéphirin Gauthier, le n° 2 en 1917 et Jean-Raoul Gariépy, le n° 25 en 1921. La grande résidence du premier comprend une longue galerie à colonnes blanches, une corniche et un parapet ouvragés au coin de Querbes. Elle a été divisée (2 et 4) en 1925. Celle de Gariépy, qui paraît plus belle, présente une charmante entrée en bois, une vaste galerie sur le côté, une corniche et surtout un remarquable parapet incrusté de motifs et un garage en plus. La série des sept maisons semblables (nos 20 à 32), bâties en 1909, s’avère particulièrement intéressante d’autant plus qu’elles ont été bien conservées. Avec leurs galeries, leurs balcons blancs, leur corniches et leurs deux tours au coin de De L’Épée et de Bloomfield, ces cottages forment un des beaux ensembles patrimoniaux de l’arrondissement.
Face au parc, la plus vieille maison (58) est en pierre et remonte à 1907 (Charles Bernier, arch.). Plusieurs immeubles datent de la décennie de 1920 et sont l’œuvre de bons architectes: le n° 40 (Jean-Raoul Gariépy, 1922), recouvert de pierre et modifié en 1957, le n° 50 (Eugène Larose, 1924), très beau cottage typique avec galerie balcon à barotins carrés et un parapet original en plus d’une corniche et de vitraux.
Place Elmwood
Dès 1910, John Black, propriétaire d’une petite partie du lot 36 dans le prolongement de l’avenue Québec, projette d’y ouvrir une impasse privée. L’année suivante, il informe le conseil municipal de son intention, mais son projet est jugé illégal par l’administration. En 1913 cependant, la Ville y trace une rue courbe entre les avenues Outremont et Wiseman et y installe des tuyaux d’eau et d’égout. En 1914, le secrétaire de la municipalité y réfère en utilisant l’odonyme de Elmwood Place. Voilà pour la mise en place du prolongement désaxé de ce tronçon, qui se distingue avec le générique de « place » au lieu d’avenue, ce qui paraît plutôt douteux dans ce cas!
Cette fausse place compte sept maisons construites entre 1913 (96) et 1987 (94). Cinq d’entre elles remontent aux années 1920. Une courte série de trois cottages (79, 83 et 85) porte la signature des architectes Perrault et Gadbois (1926) et contribue à notre richesse patrimoniale. On ne peut se lasser d’admirer leurs balcons blancs, leurs magnifiques corniches surmontées de parapets incrustés. Les cottages jumelés (96 et 98) retiennent également l’attention. Le premier, datant de 1913, présente une belle baie vitrée avec vitraux, une corniche et un parapet orné. Le second, conçu par les architectes Bigonesse & Bigonesse, en 1922, se pare de belle brique, arbore un pignon et s’entoure d’une corniche ouvragée. Le cottage moderne au n° 94 date de 1987. C’est l’œuvre de l’architecte Shulim Rubin, qui l’a habité. Il fait contraste dans le milieu bâti, qui profite de la verdure des parcs Garneau et Outremont.
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