PHOTOS MARILI SOUDRE-LAVOIE
L’odonymie fait aujourd’hui partie intégrante du paysage urbain. Elle nous renseigne tout particulièrement sur les étapes qui ont marqué le développement d’une municipalité. Avec l’aimable collaboration de la Société d’histoire d’Outremont, nous retraçons l’histoire d’une rue d’Outremont.
Plusieurs documents permettent de retracer les origines de l’avenue Bloomfield. Le nom apparaît d’abord sur une des planches du relevé topographique, effectué par des militaires au tout début de la Confédération. On y voit clairement, à la tête du lot 34, un grand établissement rural, comprenant sept bâtiments desservis par un chemin qui débute au chemin de la Côte-Sainte-Catherine. À côté du bâtiment principal, la carte indique la présence d’une pompe à eau et, bien lisiblement, le surnom de la propriété : Bloomfield.
En 1833, Hugh Murray possédait le lot 34 et c’est probablement lui qui a développé la ferme et lui a donné ce nom. Mais, 25 ans plus tard, les anciens seigneurs de Montréal accordaient une communication à William Bremner, qui en était alors propriétaire. La communication reconnaissait sa propriété libre de tout droit à l’endroit des anciens seigneurs, c’est-à-dire les Messieurs de Saint-Sulpice. Le testament de William Bremner, rédigé en 1867, léguait la ferme à son épouse Janet Milne Bremner, qui la fit subdiviser et la transféra à son fils, Alexander, le 25 janvier 1872. Celui-ci la vendra, deux ans plus tard, à un groupe de six marchands dirigés par le boulanger James Strachan.
Les nouveaux copropriétaires déposent, le 30 juillet 1874, le plan de lotissement qui figure aux plan et livre de renvoi officiels de la Paroisse de Montréal. Celui-ci montre une avenue Bloomfield en plein milieu du lot 34 avec trois embryons de rue transversale et des centaines de lopins à bâtir. Quelques-uns de ces derniers sont vendus dès la première année, mais les acheteurs ne semblent pas assez nombreux pour rendre le projet rentable. Le 30 septembre 1889, le groupe Strachan cède le lot, sans les lopins déjà vendus, à l’Institution Catholique des Sourds-Muets pour la somme de 12 367$
Aménagement de l’avenue
À la fin du siècle, l’ancien maire, George E. Cooke, propriétaire de maisons sur l’avenue, se plaint au conseil municipal du mauvais état de cette voie, qui l’empêche de louer ses logements. En 1899, la Montreal Water and Power refuse d’y enfouir des tuyaux, faute d’un nombre suffisant d’habitants. La municipalité s’engage alors à subventionner l’entreprise. L’aménagement de la rue, qui avait débuté avec l’installation de trottoirs de bois vers 1895, reprend au tournant du siècle avec la pose des canaux d’aqueduc et d’égout dans la partie sud. En 1906, les canalisations sont prolongées d’Elmwood à Saint-Viateur et, dès 1912, jusqu’à Ducharme. La macadamisation de la chaussée se poursuit de 1905 à 1912. La plantation des arbres a suivi.
Une première pétition est présentée au conseil municipal en 1910, demandant de changer le nom de l’avenue Bloomfield pour celui de Congress, sans doute en référence au grand Congrès eucharistique de l’année à Montréal, et une seconde, le 12 avril 1911, pour celui de George V, qui avait accédé au trône britannique l’année précédente. Beaucoup plus tard, le 15 décembre 1983, le président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal écrit au maire Choquette pour demander que l’avenue Bloomfield devienne l’avenue Lionel-Groulx en hommage au grand historien et citoyen éminent, qui vécut sur Bloomfield de 1939 à 1967 au numéro 261.
D’autres suggestions en ce sens visaient dernièrement à franciser le spécifique par Champfleuri. À ce sujet, il faut admettre que Bloomfield possède de lointaines racines historiques.
Somme toute, l’avenue Bloomfield tire avantage de plusieurs espaces verts (esplanade de l’église Saint-Viateur, parc Outremont et parc Saint-Viateur) et de plusieurs institutions, dont l’incroyable académie Querbes et le plus beau flanc de l’église Saint-Viateur. Entre Laurier et Bernard, des maisons anciennes, des paires de cottages, des résidences bourgeoises, une série de duplex remarquables, une maison unique en son genre en face du parc Outremont, bordent cette rue. Plus au nord, deux longues rangées de triplex dans lesquelles s’insèrent des duplex et des maisons d’appartements ne paraissent pas sans intérêt et cela, jusqu’à l’avenue Ducharme.
Les propriétaires de bâtiments sur cette avenue comme sur les avenues voisines ont une grande responsabilité, celle de respecter le caractère patrimonial du quartier et l’environnement architectural quand vient le temps des rénovations extérieures. La Ville de Montréal et le conseil d’arrondissement d’Outremont ont aussi un rôle important à jouer en matière de conservation intelligente du patrimoine résidentiel.
Les renseignements ci-dessous sont tirés du Répertoire des rues d’Outremont et leurs histoires par Ludger Beauregard, une publication de la Société d’histoire d’Outremont (2015, 280 pages, reliure spirale). Il est possible de se procurer ce titre au montant de 25 $ en composant le 514 271-0959. histoireoutremont.org
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