PHOTOS JOURNAL D’OUTREMONT
D’un bord, certains l’appelaient « consultation publique », de l’autre « séance d’information ». Cette rencontre entre le maire Philipe Tomlinson et les citoyens d’Outremont à propos du nouveau plan de stationnement a surtout été une session d’interpellations, souvent véhémentes, contre un projet auquel semble tenir contre vents et marées le maire d’Outremont.
Plus de 250 participant.es ont pris place au CCI. Entre 19h et 22h, 41 citoyens, sur 83 inscrits, ont pris la parole pour demander au maire de suspendre, surseoir, reporter, voire annuler ce projet qui veut faire du territoire d’Outremont une seule et même zone de tarification en SRRR (Stationnement sur Rue Réservé aux Résidents), hormis les zones de parcomètres.
« C’est une nouvelle taxation ! », ont clamé nombre de participants puisque tout le territoire d’Outremont serait payant d’une manière ou d’une autre (vignettes journalières ou mensuelles, parcomètres, permis temporaires, etc.). Des propos émis par le conseiller Jean-Marc Corbeil et son chef Lionel Perez, chef de l’Opposition à la Ville de Montréal, lors d’une mêlée de presse ("scrum") précédant la rencontre publique.
Bon an, mal an, les résidents d’Outremont ne sont pas contre l’idée d’une gestion différente du stationnement à l’approche d’une augmentation sans précédent de l’achalandage crée par le nouveau campus. On parle ici de 10 000 personnes (soit près de la moitié de la population) en plus dans nos quartiers. Combien d’usagers (enseignants, étudiants, prestataires, nouveaux résidents, etc.) utiliseront leurs voitures pour s’y rendre et stationneront dans les rues d’Outremont ?
"Sauf que…", ce n’est pas seulement cela, le problème !
Certains citoyens ont voulu apporter des pistes de solutions plus locales, en proposant de réfléchir à des propositions d’aménagement, des espaces piétons et/ou cyclistes. Ils ont expliqué les défauts selon eux du projet qui occulte les besoins spécifiques des quartiers, des aîné.es et leurs proches aidants, des familles avec de jeunes enfants, des commerçants, et leurs employés qui ne résident pas à Outremont, des offices religieux et des services funéraires longs et achalandés, etc.
Les bénéfices de cette opération en couvriront-ils les frais ? Restera-t-il de l’argent pour la transition écologique vendue avec ce projet quand on aura payé les aménagements, l’affichage, la gestion des contraventions, le salaire des contrôleurs, les services informatiques et l’application cellulaire proposée ?
Un rendez-vous raté
Le maire Tomlinson est resté fort patient face aux critiques soutenues, réitérant ces arguments sans faillir, « droit dans ses bottes » voire un peu trop, restant rectiligne dans son argumentaire, ce qui au bout du compte semble avoir pas mal échauffé la salle au fur et à mesure de la soirée.
Évoquant la précipitation - le projet doit être voté le 2 juillet -, les interventions des citoyens ont presque systématiquement porté sur le processus de consultation qui n’a pas eu lieu, reprochant au maire un déficit démocratique. « Une consultation publique aura été trop complexe à mettre en place. Tout élu doit parfois prendre des décisions difficiles », a affirmé le maire.
« Vous nous prenez pour des "cons"! », ont même déclaré haut et fort plusieurs citoyens, plus affables d’habitude, exprimant une exaspération tangible face au manque d’empathie du maire. Les mots "brain washing" (lavage de cerveau) et "dictature" ont été prononcés. Quelques-uns ont appelé à sa démission !
« Comme les prêtres auparavant, vous voulez notre bien… et vous nous l’imposer ! » a conclu en souriant une citoyenne.
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Introduction du maire à la soirée du 19 juin 2019
Ce texte est tiré principalement du rapport "Le Stationnement : un outil incontournable de gestion de la mobilité et de l’aménagement durables" du Conseil régional en environnement de Montréal de mars 2014. Il reflète bien la position du caucus des élus de Projet Montréal d'Outremont.
L’automobile n’est pas vouée à disparaître au XXIe siècle. Toutefois, les villes sont en train de repenser leur rôle et le type de cadre bâti qui peut y être associé. En termes d’aménagement, elles cherchent à se réapproprier les espaces publics pour retrouver une proximité et une meilleure mixité des usages.
Le stationnement est un outil de gestion de la mobilité et de l’aménagement qui peut permettre de réaliser des gains directs et indirects significatifs au niveau économique, social et environnemental à court, moyen et long terme.
Il s’agit de privilégier les transports les moins énergivores et à plus faible émissions, tout en encourageant une réduction des distances entre les destinations. Le stationnement peut devenir un outil essentiel pour poursuivre une vision de mobilité et d’aménagement durable de la Ville.
À Strasbourg, entre 2007 et 2008, l’année où 2500 places de stationnement ont été tarifées, la part des déplacements par la marche a bondi de 11,5%.
À Paris, entre 2003 et 2007, la Ville a fait baisser les kilomètres parcourus par véhicule de 13% en réduisant l’offre de stationnement de 9%. La Ville a rendu payants 100% des stationnements.
À Stockholm, les mesures sur le stationnement sont en vigueur depuis les années 1970. Le taux de possession d’un véhicule est relativement faible : environ 300 voitures par 1000 habitants dans le centre de la Ville. La part modale des transports dans la Ville est de 8% voiture, 25% transports collectifs, 67% marche et vélo.
Plus les stationnements sont disponibles gratuitement, plus les individus sont enclins à se déplacer en auto. Ceci entraîne une surutilisation de la voiture par opposition à une utilisation durable de la voiture, ce qui engendre des coûts indirects importants : coûts de congestion, de pollution, de l’émission de GES, des coûts de qualité de vie, de bruit, de l’augmentation de la circulation, d’accidents et autres. S’ajoute à cela les coûts directs : la création et l’entretien (dont le nettoyage, le déneigement et les réparations).
Une étude du Conseil Régional de l’environnement de Montréal de 2014 nous démontre qu’un espace de stationnement sur rue en Ville aurait des coûts totaux (directs et indirects) de 1300 $ par année.
La tarification est l’une des façons de rationaliser l‘usage qui est fait des stationnements. Quand tous les espaces sont gratuits, les personnes qui les utilisent peuvent le faire aussi longtemps qu’elles le souhaitent. S’il y a une forte demande, beaucoup de gens chercheront à se stationner en vain. Par exemple, les employés des chantiers, qui arrivent tôt le matin, prennent les places (gratuites) et empêchent les résidents d’en faire usage. Un employé qui se gare pendant 8 heures fera en sorte que quatre résidents (ou clients de magasins) ne pourront se stationner en moyenne deux heures chacun. Si les places sont gratuites, il en résulte une pénurie.
Tarifer l’espace permet :
- de mieux gérer la demande, d’encourager les visiteurs tout en assurant un taux de rotation des véhicules;
- de réduire la circulation liée à la recherche d’un stationnement;
- de prioriser les résidents, clients et visiteurs et d’éviter le stationnement de longue durée;
- de rendre les transports collectifs et actifs financièrement plus compétitifs;
- de réduire de manière générale la surutilisation de la voiture.
La tarification incite les usagers à changer leurs modes et habitudes de déplacement :
- prendre les transports collectifs;
- se déplacer à pied ou en vélo;
- faire du covoiturage et partager le prix du stationnement;
- se stationner plus loin, là ou les prix sont plus bas, et marcher;
- se stationner pour un temps plus court;
- se stationner hors-rue.
Après 50 ans de subvention du stationnement par la gratuité, une tarification en vue de la gestion de la demande ne peut qu’amener des revenus supplémentaires.
Ce qui a amené notre plan local de refonte du stationnement.
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