Le Journal d'Outremont vous encourage à nous communiquer vos lettres d'opinion. La rédaction se réserve le droit d'éditer les textes qui lui sont soumis pour en faciliter la lecture et la compréhension. Ne seront retenus que les textes sur des sujets pertinents, utilisant un langage non-discriminatoire, non-injurieux et écrit dans un français correct. Le Journal d'Outremont se dégage totalement des propos publiés et n'assume aucune responsabilité quant à leur contenu. Vous pouvez nous communiquer votre missive par courriel en y indiquant votre nom et votre adresse. Nous publierons le nom du signataire de la lettre mais non son adresse. Les lecteurs pourront réagir à un propos en cliquant sur Ajouter un commentaire.
La Ville de Montréal est l’hôte de la quinzième conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations Unies. Pour l’occasion, le Conseil jeunesse de Montréal (CjM) a été invité à participer à cet événement. Malgré les nombreuses critiques qui sont adressées à la COP15, les membres y ont vu une opportunité de faire entendre les préoccupations de la jeunesse pour qui la crise environnementale est un enjeu central.

Conscient que cet enjeu en est un qui suppose un changement de paradigme à l’échelle internationale, le CjM était enthousiaste à l’idée de bâtir des ponts avec des actrices et des acteurs de la transition écologique à travers le monde. Fier de voir notre ville être l’hôte de cet évènement, le Conseil a toutefois été navré de constater le manque de considération du Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique à l’égard de la langue locale.
En effet, la convocation principale transmise le 30 novembre 2022 destinée aux participant-es ainsi que d’autres invitations subséquentes étaient uniquement rédigées en anglais, tout comme le contenu des hyperliens joints à ces courriels. Nous avons d’ailleurs constaté avec consternation que l’ensemble du site web de l’événement est uniquement disponible en anglais (https://www.cbd.int/conferences/2021-2022). Il en va de même pour la grande majorité des visuels une fois sur les lieux (il suffit d’ailleurs de consulter les photos de l’événement pour le constater).
Nous reconnaissons que le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique est un organe international et que l’anglais est considéré comme la langue des communications à l’échelle internationale. Or, nous considérons qu’il est de la responsabilité de ce Secrétariat de faire preuve de considération à l’égard de la culture locale en fournissant notamment des informations traduites dans la langue officielle de la ville hôte, à savoir le français. Nous considérons également qu’il relève de la responsabilité de la Ville de Montréal de s’assurer qu’un événement d’intérêt public d’une telle ampleur se déroulant sur son territoire soit minimalement accessible aux locutrices et locateurs du français, seule langue officielle de Montréal.
Soulignons d’ailleurs qu’à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle du 21 février 2022, Movses Abelian, Secrétaire général adjoint chargé des affaires de l’Assemblée générale et Coordonnateur pour le multilinguisme des Nations Unies, affirmait que « le monolinguisme peut cloisonner et ériger des murs entre groupes linguistiques distincts ».
M. Fekitamoeloa ‘Utoikamanu, Secrétaire général adjoint et Haut-Représentant pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement des Nations Unies, rappelait pour sa part que de nombreuses études montrent qu’« il existe un lien très étroit entre la biodiversité et la diversité linguistique ».
À cela, ajoutons que de nombreux penseurs ont déjà théorisé l’impossibilité de revoir notre relation à la nature sans en même temps questionner les rapports de domination culturels, politiques, économiques et sociaux. Dans son essai Écologie sociale, récemment traduit en français, Murray Bookchin écrivait d’ailleurs : « Parvenir à notre pleine humanité est un problème social, qui dépend de changements institutionnels et culturels fondamentaux : ne pas le voir, c’est réduire l’écologie à la zoologie et faire de toute tentative de réaliser une société écologique une chimère » (Bookchin, 2020 : 15).
La question nous semble alors légitime : comment se fait-il qu’un organisme tel que le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique qui lutte en faveur de la biodiversité ne soit pas en mesure de reconnaître la particularité linguistique de la Ville de Montréal, plus grande métropole francophone en Amérique ?
Le CjM est également préoccupé de constater que la Ville de Montréal n’a pas su saisir l’opportunité d’affirmer son caractère distinct face à une organisation prétendument sensible à ce genre d’enjeux. La Ville a non seulement perdu une occasion de se positionner face à l'enjeu actuel qui touche la francophonie à l’échelle internationale, mais elle n’a pas non plus su montrer aux générations futures qu’elle était en mesure d’incarner le caractère holistique des enjeux contemporains.
À l’occasion d’un événement qui avait pour but de trouver des solutions à l’extinction massive de la diversité du vivant, la Ville de Montréal ainsi que le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique se sont donc inscrits dans une logique hégémonique qui nuit à l’effort en faveur de la diversité linguistique et culturelle. Le fait qu’ils se soient montrés incapables de reconnaître qu’il y a là matière à problème nous laisse malheureusement présager de l'inefficacité du processus qu’ils tentent d’entreprendre.
Il a dès lors semblé primordial aux membres du CjM de rappeler que la lutte à la crise climatique ne peut être traitée indépendamment des luttes mondiales en faveur de la diversité linguistique et culturelle.
Myriam Boileau et Pascal-Olivier Dumas-Dubreuil ainsi que tous les membres du Conseil jeunesse de Montréal
Partagez sur
Commentaires