Les parcs d’Outremont
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- COURRIER DES LECTEURS
- Publication : 3 février 2021
- Par M. Pierre Joncas
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Notre famille s’est installée à Outremont en 1940. J’avais six ans. Le parc Outremont était le préféré de mon père. Je ne le comprenais pas. En revanche, avec ses manèges et sa pataugeoire, le parc St-Cyril me fascinait. Devenu adulte, je comprends la prédilection de mon père.
Si ma mémoire est fidèle, il n’y avait alors à Outremont que quatre autres parcs : St-Viateur, Joyce, Pratt et de Vimy. Chacun des trois grands avait son style particulier : Outremont, français; Joyce, britannique; Pratt, peut-être japonais. À la belle saison, soigneusement entretenus, les trois offraient une tranquillité verdoyante; l’ambiance paisible y garantissait des oasis de sérénité. Le réseau des avenues isolait le parc de Vimy, petit, simple et d’une élégance sans prétentions. Ceci en dissuadait l’accès et, ainsi, profitait surtout aux riverains : le constater n’est pas leur en faire un reproche.
À Outremont comme ailleurs, l’évolution des goûts, des intérêts et des besoins entraîna d’importantes transformations sauf, peut-être, au parc de Vimy, récemment baptisé Jacques-Parizeau. Déplacés au parc Outremont, les manèges du parc St-Cyril, devenu Kennedy, ont dégagé de l’espace pour une piscine entre autres embellissements. Le changement le plus impressionnant fut cependant la création du parc Beaubien sur le terrain immense de l’ancienne ferme de ce nom. Son terrain de soccer et ses manèges, en hiver ses côtes enneigées pour la glissade de toboggans, luges et autres soucoupes volantes, le destinent au sport et à la récréation. Le nouveau parc Raoul-Dandurand, tout bienvenu qu’en soit l’apparition, sert principalement de séjour aux pauses entre les classes pour les jeunes du collège Stanislas; voisinant la bruyante avenue Van Horne, ce ne sera jamais un refuge pour le recueillement et la sérénité.
Si, parmi les grands parcs originels, Joyce et Pratt ont conservé leur caractère nettement bucolique, à Outremont cette particularité a diminué. Néanmoins, comparé à Raoul-Dandurand, c’est un îlot de tranquillité. Du côté est de l’arrondissement, c’est le seul doté de cet avantage, c’est notre Place des Vosges. Il me semble donc impératif de préserver, à vrai dire de restaurer complètement, cette caractéristique d’origine.
Les desseins du maire Philipe Tomlinson semblent aller en sens contraire. Pourtant, dans son « Mot » du 14 janvier, il assure que le parc Outremont ne sera pas transformé en « centre d’activités et de commerce » et qu’il n’est pas question de changer sa « vocation première de détente et d’amusement pour enfants ». Les seuls changements envisagés, explique-t-il, concernent le chalet et l’aire de jeux. Il annonce sa volonté ferme de les rénover « en tout respect des caractéristiques actuelles du parc ». Il rappelle un sondage tenu « il y a un an sur l’ensemble des parcs du quartier », auquel auraient répondu plus de 1 000 personnes, « le plus répondu [sic] de l’histoire d’Outremont », dont les résultats inspirent les « options [envisagées] pour améliorer l’expérience et le bien-être des personnes souhaitant l’utiliser ».
Le 27 décembre dernier, un groupe de citoyens, Résidents d’Outremont pour la démocratie, a mis en ligne une pétition « à la défense du parc Outremont » en opposition à certains ajouts et modifications considérés pour le parc (café ou buvette; espace couvert pour activités extérieures; location d’articles de sport, et j’en passe).
Dans son « Mot », le maire assure que l’arrondissement continuera à en améliorer l’entretien. Continuera? Depuis l’entrée en fonction de son équipe, l’entretien de tous nos parcs est à la dérive (déchets partout, abondance de graffiti, etc.)! Les gardiens en ont disparu : les y remettre est urgent.
S’il tient à rénover le chalet, soit : il en a besoin. Qu’il n’en augmente toutefois pas la taille, qu’il se contente plutôt de donner suite à cette suggestion, parmi les nombreuses observations judicieuses de Mme Louise Régnier, une des plus de 4600 signataires (à ce jour) de la pétition : « Oui pour des toilettes publiques chauffées, ouvertes à longueur d’année, hygiéniques, autonettoyantes […], écrit-elle. Il n’y en a pas à Outremont et les piétons ont toujours compté sur les toilettes des restos! ».
La volonté du maire d’offrir davantage de manèges aux enfants est parfaitement acceptable. Sans en supprimer au parc Outremont, pourquoi ne fait-il pas installer de nouveaux manèges au parc Beaubien dont la récréation est une vocation? Il y trouvera amplement d’espace.
Mais attention : le maire a déjà fait savoir que son ambition pour le chalet du parc Outremont était comparable à une Lamborghini, et pour la tourelle du parc Pratt, à une Ferrari. À quand, et pour où, la Bugatti?
Le maire et la conseillère Valérie Patreau invitent les citoyens à répondre au sondage que l’arrondissement a mis en ligne. D’abord, il existe des techniques bien connues pour formuler les questions et administrer un sondage de façon à provoquer les réponses désirées et, après leur collection, pour les interpréter dans le sens voulu au départ; ensuite, l’expérience des vignettes de stationnement porte à craindre que, de toute façon, le maire et sa majorité ne tiendraient compte que des résultats qui conforteraient leurs intentions; enfin, même quand les résultats sont ceux souhaités, une politique conçue à l’aune unique d’un sondage n’en serait pas moins une forme de clientélisme populiste. Au delà de ce qu’il en a déjà coûté pour les plans et devis (86 000 $, paraît-il), le maire et ses conseillères engagent de vastes dépenses (473 000 $ et des poussières à même les modestes réserves de l’arrondissement, ou par endettement) pour une placette, prétendument « structurante », devant le Théâtre Outremont. À neuf mois de la fin de leur mandat, agir de la sorte est irresponsable et indécent. Dans l’éventualité où ils perdent les élections cet automne, ils auront réduit considérablement la marge de manœuvre de la prochaine administration et, s’ils les remportent, la leur.
Elvis Gratton recommandait « Think big ». On aurait imaginé que l’esprit vert de Projet Montréal eût plutôt acheminé son équipe ici à la philosophie « Small is beautiful ».
Pierre Joncas, Outremont
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